« En ce temps là, commença Arya, il y avait une femme, Linnëa. C’étaient les années d’épices et de vin, avant notre guerre contre les dragons et avant que nous devenions aussi immortel que peuvent l’être des créatures vulnérables, faites de chair et de sang. Linnëa avait vécu des années sans la présence réconfortante d’un compagnon, et sans enfants, car elle n’en avait pas ressenti le besoin, préférant s’adonner à l’art de chanter aux plantes, dans lequel elle était passée maître. Du moins en fut-il jusqu’au jour où un jeune homme se présenta à sa porte et la séduisit avec des mots d’amour. Sa tendresse éveilla en Linnëa un aspect d’elle-même qu’elle n’avait jamais soupçonné : le désir insatiable de connaître ce qu’elle avait sacrifié par ignorance. Une seconde chance lui était offerte, qu’elle ne comptait pas laisser échapper. Elle sacrifia son travail pour se consacrer à ce jeune homme, et, pendant un temps, ils furent heureux.
« Mais le jeune homme, justement, était jeune ; l’envie le prit de trouver une compagne mieux assortie. Son regard tomba un jour sur une femme de son âge ; il la courtisa et la conquit. Pendant un temps, ils furent également heureux.
« Lorsque Linnëa découvrit qu’elle avait été méprisée, trompée, abandonnée, elle devint folle de douleur. Le jeune homme avait commis la pire des choses, il lui avait fait goûter à la plénitude de la vie, puis l’en avait privée sans plus d’égards qu’un coq voletant d’une poule à l’autre. Elle le surprit avec la femme et, emportée par sa fureur, le tua d’un coup de poignard.
« Linnëa savait qu’elle était coupable d’une grande faute. Elle savait aussi que, même si elle expiait ce crime, elle ne vivrait plus jamais comme avant. Alors, elle marcha jusqu’au plus vieil arbre du Du Weldenvarden, se pressa contre lui et chanta pour fusionner avec lui, renonçant à sa propre espèce. Pendant trois jours et trois nuits elle chanta, et, quand elle eut fini, elle était devenue l’une de ses plantes bien-aimées. Depuis lors –depuis tous ces millénaires-, elle veille sur la forêt… Ainsi fut créé l’arbre Menoa »...
« Mais le jeune homme, justement, était jeune ; l’envie le prit de trouver une compagne mieux assortie. Son regard tomba un jour sur une femme de son âge ; il la courtisa et la conquit. Pendant un temps, ils furent également heureux.
« Lorsque Linnëa découvrit qu’elle avait été méprisée, trompée, abandonnée, elle devint folle de douleur. Le jeune homme avait commis la pire des choses, il lui avait fait goûter à la plénitude de la vie, puis l’en avait privée sans plus d’égards qu’un coq voletant d’une poule à l’autre. Elle le surprit avec la femme et, emportée par sa fureur, le tua d’un coup de poignard.
« Linnëa savait qu’elle était coupable d’une grande faute. Elle savait aussi que, même si elle expiait ce crime, elle ne vivrait plus jamais comme avant. Alors, elle marcha jusqu’au plus vieil arbre du Du Weldenvarden, se pressa contre lui et chanta pour fusionner avec lui, renonçant à sa propre espèce. Pendant trois jours et trois nuits elle chanta, et, quand elle eut fini, elle était devenue l’une de ses plantes bien-aimées. Depuis lors –depuis tous ces millénaires-, elle veille sur la forêt… Ainsi fut créé l’arbre Menoa »...